Thèse de Martine Villelongue sur Lucien Bégule
LUCIEN BEGULE (1848-1935) MAITRE-VERRIER
Thèse de Doctorat de Troisième Cycle préparée sous la direction
de M. Daniel TERNOIS
Directeur de l’Institut d’Histoire de l’Art de l’Université Lyon II
par Martine VILLELONGUE née Osio
- Novembre 1983 -

Cette thèse est constituée de trois tomes.
Il était trop lourd de mettre ici l'intégralité des photocopies de photos N & B de l'ensemble de la production des vitraux répertoriés par M. V.
Je me suis donc"limité" aux 45 premières pages traitant de l'origine et de l'exploitation de l'atelier.

Introduction historique.
A/ Lucien Bégule: son portrait et sa famille
B/ Formation
C/ Son œuvre
D/ Fonctionnement des ateliers
E/ Les prix
F/ La clientèle
G/ Les contraintes techniques


"Lucien Bégule maître-verrier " est un sujet que nous souhaitions traiter car il allie l’étude d’un art pour lequel nous nous reconnaissons un goût personnel à celle des mouvements culturels d’une époque à laquelle nous portons un grand intérêt.
L’approche de la technique du vitrail et du fonctionnement des ateliers répondent à notre curiosité personnelle. L’étude d’un art susceptible de nous éclairer sur le sentiment religieux à la fin du XIX° siècle mais aussi sur le rôle des arts décoratifs dans le même moment satisfont notre goût pour cette période de l’Histoire de l’Art. La position du maître-verrier au sein d’un groupe de collaborateurs, dessinateurs, peintres ou architectes et face à une clientèle, religieuse ou particulière, nous apparaît comme une source d'enseignement sur les aspirations et le goût de la société contemporaine. C’est pourquoi nous nous sommes attachées à reconstituer le milieu social de Lucien Bégule et son environnement artistique et créatif.
Le sujet se limite à Lucien Bégule créateur de vitraux dans les ateliers qui portent son nom. Ses activités antérieures que sont ses participations dans d’autres ateliers lyonnais de décoration ou de création de vitraux et ses activités ultérieures que sont celles de l’historien et écrivain connu d’un large public seront mentionnées dans la mesure où elles permettent une meilleure compréhension de ce que Lucien Bégule considère comme son œuvre, majeur. La restauration de vitraux anciens, partie quantitativement peu importante de ses activités, sera abordée dans la mesure où elle donne des éclaircissements sur la personnalité du maître-verrier.
Nous tenterons alors de définir le rôle effectif de Lucien Bégule dans la création, la genèse et l’exécution d’une production, religieuse et civile, d’apparence particulièrement vaste et à cerner sa part réelle dans le fonctionnement de ses ateliers.

La méthode de travail a présenté trois étapes successives:
- Une prospection bibliographique permettant de déceler l’existence de vitraux, religieux ou civils, et de les localiser;
- Une étude des vitraux sur place;
- Un dépouillement d’archives relatives aux édifices concernés, en quête d’informations complémentaires sur le commanditaire, le prix, la source iconographique, l’auteur de l’esquisse préparatoire.
La prospection bibliographique a concerné les archives Lucien Bégule, archives conservées dans la famille et fonds versés dans divers centres de conservation, ainsi que des ouvrages et des revues.
Le point de départ fut l’exploitation des archives de la famille Bégule (1), malheureusement fort réduites, quarante-cinq ans après la mort de l’artiste (2). Elles comprennent cependant: une liste écrite de la main de Lucien Bégule des "Travaux exécutés dans l’atelier de Lucien Bégule, maître-verrier, montée de Choulans à Lyon ", mentionnant ses principaux chantiers de création (Pièce justificative n°1); ses "Souvenirs " manuscrits, probablement rédigés vers 1917, où il livre ses réflexions sur la technique pratiquée dans ses ateliers et leur organisation, et commente cinquante des interventions qu’il considère comme essentielles; un recueil photographique représentant un certain nombre de vitraux photographiés par Lucien Bégule lui-même une fois leur exécution achevée et avant leur départ des ateliers pour l’édifice destinataire. Ces trois sources se recoupent entre elles, mais se complètent.
(1). Un fonds d’archives a été versé en 1976 aux Archives Municipales de Lyon (Fonds Lucien Bégule, 9.11.1 à 9.II.23) essentiellement composé de photographies de vitraux anciens et de textes manuscrits de conférences données par Lucien Bégule.
(2). Le fonds d’archives familiales a été, depuis le commencement de nos recherches en 1980, partiellement versé aux Archives Départementales du Rhône (Fonds Bégule, 1 J): il comprend un recueil photographique des "principaux vitraux exécutés entre 1880 et 1920 dans les ateliers de Choulans " et la maquette du vitrail "Louise Labbé " ainsi qu’un dossier photographique de "vitraux anciens à sauver de l'oubli"

Le dépouillement d’archives fut poursuivi par celui des ( fonds versés aux Archives Municipales de Lyon et aux Archives Départementales du Rhône.
La prospection fut complétée par le dépouillement des ouvrages de Lucien Bégule lui même, de l’abbé Martin sur l’Histoire des Eglises et Chapelles de Lyon (1), des manuscrits de Paul Richard (2) et des revues d’actualité monumentale que sont l’Echo de Fourvière et le Bulletin Historique du Diocèse de Lyon pour les édifices religieux, et La Construction Lyonnaise pour tout édifice, religieux ou civil, revues systématiquement dépouillées sur la période de 1881 à 1911 correspondant à l’activité des ateliers Lucien Bégule.
La prospection sur place a permis la campagne photographique et l’élaboration d’une fiche descriptive pour chaque vitrail, selon un système uniformisé et mis au point au cours d’un séminaire de l’Institut d’Histoire de l’Art de l’Université Lyon II sur "le vitrail à Lyon au XIX° siècle", séminaire animé par M. Daniel Ternois, Mme Catherine Brisac et Mme Marie-Félicie Pérez. Elle a surtout permis la vérification de l’existence de chaque œuvre, la découverte de nouvelles, l’étude de chacune et une meilleure connaissance du vitrail du XIX° siècle en général.
L’étude des vitraux civils est plus difficile du fait de leur présence dans des édifices privés: leur accès reste possible si le nom du commanditaire est connu l’utilisation des annuaires de l’époque donnant des indications sur leur localisation et la comparaison entre les annuaires de l’époque et les annuaires actuels permettant la recherche d’héritiers éventuels. Mais nous détenons les reproductions photographiques de nombre d’entre eux dont nous n’avons pu vérifier la conservation actuelle.
(1). MARTIN (J.B.), Histoire des églises et chapelles de Lyon, 2 volumes, Lyon, Lardanchet,. 1908-1909,
(2). Des documents manuscrits concernant des édifices religieux de la région lyonnaise sont conservés aux Archives Diocésaines (bibliothèque de l’archiviste).

Un article passé dans la presse lyonnaise à leur sujet n’a donné que de maigres résultats (1).
Le dépouillement d’archives susceptibles de nous informer sur le mécanisme de la commande, l’orgnisation des ateliers et l’élaboration d’un vitrail fut celui:
- de la série M des Archives Municipales de Lyon, en ce qui concerne les églises paroissiales lyonnaises;
- de la série O des Archives Départementales du Rhône, en ce qui concerne ces mêmes édifices;
- de la série "Dossiers d’églises " des Archives Diocésaines de Lyon où de nombreux fonds d’archives paroissiales sont déposés;
- des archives de chaque paroisse, lyonnaise si elles n’ont pas été déposées aux Archives Diocésaines ou extérieures à Lyon: ces fonds se sont révélés les plus riches (Boën, Rochemaure, Privas, par exemple).
- des archives de collections lyonnaises privées qui ont apporté d’importantes informations sur les collaborations de Lucien Bégule avec certains peintres lyonnais et en ont dévoilé certaines.
- du fonds "La Charité " des Archives des Hospices Civils de Lyon qui présentent une grande richesse de documentation: factures, dessins, cartons.
Ces dépouillements nous ont révélé un grand nombre de documents écrits (correspondance et factures) donnant sur l’élaboration du programme de précieuses indications. Les lacunes archivistiques concernent les maquettes (dont une seule reste connue, si ce n’est en reproductions photographiques) et les cartons, rares.
(1). Sur une quinzaine de réponses, toutes exploitées, trois se sont révélées fructueuses.
Elles sont particulièrement regrettables et il aurait été intéressant, pour qui tente de recomposer le mécanisme de la création d’un vitrail, de pouvoir juxtaposer les successives étapes d’une main d'œuvre.
Nous connaissons les limites des résultats obtenus. L’inventaire que nous présentons n’a pas la prétention d’être exhaustif et certains chantiers de vitraux n’ayant pu être étudiés sur place, faute de leur éloignement géographique, faute du manque d’informations sur leur existence actuelle ou faute de leur trop récente découverte, n’apparaissent qu’en annexe à ce travail. Leur étude, ainsi que l’exploitation d'archives éventuelles à leur sujet complèteraient notre connaissance du vitrail et des ateliers Lucien Bégule. La production de ces ateliers est vaste et seule une prospection systématique de tous les édifices religieux dans le quart sud-est de la France, de même qu’une prospection systématique de tous les édifices élevés ou restaurés par certains architectes entre 1880 et 1905 en permettrait un inventaire plus complet.
Nous présentons donc un état des travaux, basé sur l’inventaire et l’étude archivistique de 379 vitraux à destination religieuse et 43 vitraux à destination civile et souhaitons poursuivre ces recherches sur Lucien Bégule lui-même et sur son cadre plus général qui est celui du vitrail au XIX° siècle.

 

Introduction.

Les ateliers Lucien Bégule ouvrent en 1881 à un moment où la renaissance du vitrail lyonnais s’accomplit depuis une cinquantaine d’années, offrant au public une superficie vitrée déjà considérable et permettant la bonne marche d’un nombre respectable de locaux qui bénéficient d’un contexte religieux, administratif et financier particulièrement propice.
La gamme des vitraux récemment mis en place à Lyon à la date de 1881 permet l’insertion du vitrail lyonnais dans un mouvement plus général de renouveau du vitrail au XIX° siècle. Les vitraux du lyonnais Lesourd, posés dans les années 1830 (1), précédent les interventions plus savantes et plus importantes de maîtres-verriers étrangers à la région et de grande réputation que sollicite entre 1840 et 1870 le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon de 1839 à 1870. Ce sont Emile Thibaud, de Clermont-Ferrand (2), Charles-Laurent Maréchal, de Metz (3), Steinheil (4) et Gérente (5), tous deux parisiens (6).
(1). Saint-Irénée, baie 20, 1833; Saint-Paul, baie axiale, dans les années 1830.
(2). Fourvière, chapelle Saint-Thomas de Cantorbéry, baie "Pietà ", 1840; Cathédrale Saint-Jean, restauration des baies absidiales, 1842-1844; Saint-Martin d’Ainay, baies absidiales, 1845; Saint Bonaventure, verrières absidiales, 1848.
(3). Cathédrale Saint-Jean, chapelles du Saint-Sépulcre et des Bourbons, 1845; Saint-Bonaventure, chapelle du Sacré-cœur, 1850; Saint-Irénee, baies absidiales, après 1850; église Saint-Georges.
(4). Saint Bonaventure, chapelle Saint-Joseph, 1854; Saint-Bernard, baies absidiales, 1866; chapelle de l’Institution des Chartreux, vitrerie complète, 1869.
(5). Cathédrale Saint-Jean, absidiole sud, 1846
(6). L’étude des vitraux du XIX° siècle à Lyon a été en partie facilitée par la consultation autorisée par M. Ternois des dossiers élaborés dans le cadre de son séminaire par les étudiants.

L’essor démographique lyonnais est lié au développement urbanistique de la ville qui connaît une période particulièrement féconde sous le Second Empire de son histoire monumentale, civile et religieuse. A l’épanouissement du vitrail religieux s’adjoint, dans le dernier tiers du XIX° siècle, le renouveau du vitrail civil.
La rénovation ou la création des quartiers des Terreaux, des Brotteaux et de la Guillotière entraînent des constructions qu’il convient de décorer. L’importance du décor vitré dans le quartier de la Préfecture a été démontrée (1). La rue Impériale (rue de la République actuelle) présente des vitraux ni signés ni datés dont on peut situer la création dans les dernières années du XIX° siècle (2). Le progrès industriel régional (usines Gillet, maison Claude-Joseph Bonnet, usines Villy, par exemple) permet le financement du décor souvent somptueux et dont la partie vitrée pas négligeable, des demeures commandées par leurs magnats.
Les ateliers lyonnais de vitraux bénéficient de conditions favorables en 1880 à là montée de leur production, religieuse et civile.
Dans le domaine du vitrail religieux, la situation se dégrade corrélativement à une politique gouvernementale anti-cléricale dont l’amorce est, en 1880, l’expulsion des Jésuites et des Congrégations et dont la conséquence capitale pour le vitrail religieux est la séparation en 1905 de l’Eglise et de l’Etat qui aboutit à la confiscation par l’Etat des biens ecclésiastiques.
(1). Anne-Sophie CLEMENCON, L’entrée et son décor, Guide du quartier Préfecture, Lyon 1886--1906, Lyon, CNRS-EPR, 1980.
(2). Immeubles, des 13 et 28 rue de la République à Lyon 1°.

La renaissance du vitrail civil éclot après celle du vitrail religieux et se développe parallèlement. La prospérité des maisons Roux, Nicot et Jubin qui rachète en 1911 le stock de verres des ateliers Lucien Bégule, Crevard qui agrandit ses locaux en 1908 (1) et Flachat en témoignent. Ce renouveau ne supplée cependant pas à la carence des commandes religieuses et entraîne l’exécution médiocre d’une œuvre qui se sclérose en ayant recours à des procédés éloignés de la technique du vitrail : l’insertion de plaques photographiques ou l’utilisation de la "vitrauphanie, papier uni ou imprimé qui, verni et transparent, sert à imiter les vitraux peints " (1900) (2). En 1905, au moment où l’école nancéenne de vitrail civil connaît son plein épanouissement, la situation générale du vitrail français prend une tournure grave qui conduit la Chambre syndicale des verriers français à adresser au Sous-Secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts une supplication (3). Cette date coïncide à la fois à la création dans les ateliers Lucien Bégule de la vitrerie complète d’une villa de tendance "Art Nouveau " caractéristique dans le Beaujolais et à la cessation de leurs activités.
Comment, dans cette période mouvementée de l’histoire du vitrail, Lucien Bégule assure-t-il à ses ateliers la prospérité qu’on leur reconnaît au point d’associer parfois le vitrail lyonnais des dernières décennies du XIX° siècle à leur seule production et au point de s’interroger sur la participation personnelle effective du maître-verrier dans la création des vitraux portant sa signature?
(1). A.TUOTIOP, "Le vitrail privé ", La Construction Lyonnaise, tome XXIV, 1908, pp.39-40.
(2). CELESTIN "Vitrophanie ", La Construction Lyonnaise, tome XVI, 1900,. p.53.
(3). Une partie en est rapportée par Lucien Bégule, "Les vitraux ", Lyon en 1906, p.23.

Nous tenterons de l’expliquer en étudiant successivement les motivations personnelles de Lucien Bégule l’incitant à fonder ses propres ateliers, le fonctionnement de ses ateliers et les processus de création, de la genèse à l’exécution de l’œuvre, qui y sont employés et en dégageant les particularités iconographiques, techniques et stylistiques de ses vitraux. Nous nous appuierons pour cela sur les éléments biographiques, sur l’inventaire des œuvres et sur la bibliographie dons nous disposons actuellement à son sujet.

 

 

 

1° Partie : Lucien Bégule 1848 / 1935


A. L’homme et son milieu.

La photographie (1) montre un homme à l’apparence austère, strictement vêtu, au regard sévère. Ses contemporains reconnaissent en lui "un caractère si ferme, si éloigné de toute compromission qu’on l’accuse parfois d’intransigeance " (2). Les réponses sèches qu’il fournit à l’encontre des éventuelles critiques formulées sur son œuvre révèlent la rigueur exigeante d’un tempérament peu commode. Les dernières années de sa vie accusent encore le côté sombre et taciturne de sa personnalité (2).
(1) Non datée, probablement dans les dernières années d’activité des ateliers.
(2). Louis de LONGEVIALLE, "Discours prononce aux obsèques de Lucien Bégule ", Mémoires de l’Académie de Lyon, 1936, P. 117.

A1). Sa famille.
Lucien Bégule présente certains traits hérités de sa famille.
Sa famille est naturellement tournée vers le passé et vers son père, commissaire-priseur, son oncle collectionneur de tableaux. (3). Il est élevé dans le cadre du château de la Tour à Saint-Genis-Laval (4.) et prend très jeune l’habitude de s’intéresser aux choses du passé.
C’est aussi de sa famille qu’il tient la foi religieuse qu'il professe toute sa vie. Il naît au sein d’une famille catholique pratiquante et reçoit l’éducation du collège jésuite de Mongré réputé alors pour la formation d’individus de "haute valeur morale et intellectuelle " (5). Il accorde à la religion chrétienne une place essentielle dans sa vie et ses "Souvenirs " livrent ses impressions sur sa paroisse, Saint-Irénée (6), sur les amitiés qu’il noue au sein du corps ecclésiastique et sur i’intérêt qu’il porte à l’art religieux. La dévotion particulière qu’il professe à l’égard de Saint Georges (7), patron de son père et de son fils, révèle la fois sa foi chrétienne et son sens de la famille.
(1). "Les vitraux de la Charité " (s.n.), E. de F., 1890, p.605 en réponse à l’article "Restauration de l’église de la Charité " (s.n.), E. de F., 1890, pp.592-593.
(2). Communication orale de M.Pierre Vincent, petit-fils du Docteur Loison, ami intime de Lucien Bégule, le 8 janvier 1982.
(3). Communication écrite de M.Ennemond Bégule, le 24. mars 1983.
(4). Ce château présente aujourd’hui encore des traits architecturaux du XVI° siècle et du XVIII° siècle ainsi qu’un décor peint au XVII° siècle.
(5). Louis de LONGEVIALLE., op. cit., p.117. (6). Souvenirs, pp.65-66.
(7). Souvenirs, P.69.

Lucien Bégule est par ailleurs un "ami de première heure " (1) du journal "Le Nouvelliste ", organe lyonnais de défense du catholicisme en une période de remise en cause de l’Eglise. Il manifeste son soutien à cette presse conservatrice et fait don d’un vitrail destiné à décorer la salle des dépêches (2).

A2). Ses amis.
Dominique Meynis (1800-1887) est un ami des parents de Lucien Bégule dont il est aussi un proche voisin. Auteur d’ouvrages d’intérêt local dont le plus important est les Grands Souvenirs de l’Eglise de Lyon (3), il concentre ses recherches sur le passé chrétien de Lyon, sur l’historique de certains édifices religieux et sur l’hagiographie lyonnaise. Il cumule les responsabilités au sein d’associations catholiques: il est, entre autres, secrétaire général de l’œuvre de la Propagation de la Foi et président du conseil de fabrique de la paroisse Saint Irénée,
Auguste Monvenoux (1827-1905) est le "vieil et fidèle ami " (4) architecte qui construit les bâtiments des ateliers en 1881. Nommé par le préfet Vaisse conducteur des travaux de construction du Palais du Commerce en 1855, il est ensuite architecte-conservateur de ce palais. La passion qu’il met à réunir des documents et des plans concernant le passé architectural lyonnais le conduit à collaborer avec certains auteurs dont Dominique Meynis pour une étude sur l’église Saint-Irénée, Lucien Bégule pour la monographie de la cathédrale et André Steyert pour l’élaboration d’une nouvelle histoire de Lyon (5).
(1). "Lucien Bégule TT (s.n.), Le Nouvelliste, 3 février 1935.
(2). Le siège du journal "Le Nouvelliste " est un hôtel construit en 1893 par Malaval. La salle des dépêches est aujourd’hui détruite et nous n’avons pu obtenir de la direction actuelle aucun renseignement écrit ou photographique à son sujet.
(3). Dominique MEYNIS, Grands souvenirs de l’Eglise de Lyon •Lyon, Vitte, 1886.
(4). Souvenirs, p.44.
(5). André STEYERT, Nouvelle histoire de Lyon, 3 tomes. •Lyon, Bernoux et Cumin, 1895.

Eugène Loison (1862-1936), chirurgien et érudit, auteur d’articles sur l’histoire de l’hospice de la Charité (1) est le successeur de Lucien Bégule en 1929 à la conservation des antiquités et objets d’art du département du Rhône (2) et l’ami intime de Lucien Bégule qui, dans les dernières années, passe deux à trois soirées par semaine chez lui, 9 rue du Plat à Lyon (3).
Henri Lagrange (1845-1909) est un "vieil et très fidèle ami " (4), avocat, conseiller général du Rhône, réputé pour la bienveillance de son caractère et la conviction de sa foi chrétienne (5).
Edouard Didron (1836-1902) à qui Lucien Bégule rend visite à chacun de ses séjours parisiens est un maître-verrier et un écrivain. Maître-verrier, il est, à partir de 1853 associé à son oncle Adolphe Didron dans un atelier parisien très productif et collaborateur d’Eugène Viollet-le-duc (6). Ecrivain, il acquiert une solide réputation d’historien du vitrail par les articles qu’il publie dans la Revue des Arts Décoratifs (7). Il est un tenant du vitrail archéologique: c’est ce type de vitrail qu’il exécute dans son atelier et qu’il défend dans ses écrits.
C’est dans son atelier qu’Eugène Grasset, conduit par Lucien Bégule, reçoit son initiation à l’art du vitrail, en 1889.
(1). Eugène LOISON, "L’hospice de la Charité ", album du Crocodile, n°11, mars-avril 1934.
(2). Communication écrite de M.Mathieu Méras, conservateur des antiquités et objets d’art du département du Rhône, le 26 novembre 1981.
(3). Communication écrite de M.Pierre Vincent, petit-fils d’Eugène Loison, le 3 décembre 1981.
(4)..Souvenirs, p.64.
(5). "Henri Lagrange " (s.n.),. Lyonnais d’hier, Saint—Etienne, 1910, p.221.
(6). Viollet-le-Duc, catalogue d’expositions Paris, Musées Nationaux, 1980, p.4O7.
(7). "Le vitrail depuis cent ans et à l’exposition de 1889 ", R.A.D., 1889-1890, pp.39-48 et pp.97-l08 et pp.l37-l54; "Le concours des vitraux de Jeanne d’Arc pour la cathédrale d’Orléans ", R.A.D., 1894, pp.194-206; "Les vitraux à l’exposition de 1900 ", R.A.D., pp.269-277 et pp.3l5-325.

A3). Sa bibliothèque.
Le soin que Lucien Bégule apporte à se constituer au fil des années une bibliothèque essentiellement composée de livres d’art ou d’histoire permet d’en supposer l'importance: "Dès mon association avec Miciol (en 1873), tout ce que je pouvais prélever en comptes de levées passait en achat de livres d’art et je possédais déjà une très importante série de grands ouvrages de décoration et d’architecture, premier fonds de ma bibliothèque " (1). Nous n’avons cependant que peu de renseignements sur son contenu exact dispersé par ses descendants (2) si ce n’est la présence :
- du Précis d’Archéologie d’Arcisse de Caumont (3),
- du Dictionnaire Géographique de la France d’Adolphe Joanne (4), amorce d’un inventaire architectural des communes françaises et
- du Dictionnaire d’architecture d’Eugène Viollet-le-Duc (5). Le rôle joué par ce Dictionnaire est déterminant dans la carrière de Lucien Bégule et le conforte dans son attirance "instinctive et invincible pour les chefs-d'œuvre du Moyen-Age et en particulier pour ceux du XIII° siècle, de préférence à ceux de l’Antiquité ou des temps modernes " (6).

 

A4). Ses voyages.
Lucien Bégule complète ses connaissances de l’art ancien par une série de voyages, fréquents pendant sa période de formation et destinés à la visite des musées de peinture (séjours à Paris et à Londres) (7) ou à l’étude des vitraux du Moyen-Age et de la Renaissance (cathédrales de Chartres, Sens, Bourges, Troyes).
(1). Souvenirs, p.38.
(2). Communication écrite de M.Ennemond Bégule, le 24 mars 1983.
(3). Arcisse de CAUMONT, Rudiment d’archéologie, Caen, Leblanc-Hardel, 1868.
(4). Adolphe JOANNE, Dictionnaire géographique, administratif, postal, statistique, Paris, Hachette et Cie, 1872.
(5). Eugène VIOLLET_LE-DUC, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XI° au XVI° siècle, 10 tomes, Par B.Bance et A.Morel, 1854 à 1868.
(6). Souvenirs, p.37.
(7). Ses Souvenirs ne livrent aucune précision sur les écoles ou les époques de peinture particulièrement étudiés au cours de ces voyages.

Le fonds Lucien Bégule des Archives Municipales de Lyon présente une collection importante de photographies de vitraux anciens prises par lui dans la région lyonnaise mais aussi à Bayeux, Châlons-sur-Marne, Orléans, Poitiers, Ecouen, Rouen. Il visite l’Italie entre 1900 et 1905 à l’occasion de son étude sur les incrustations décoratives de Lyon et Vienne. Par la suite, ses activités de maître-verrier l’amènent à parcourir régulièrement la région lyonnaise et le sud-est de la France de même que ses activités de conservateur des antiquités et objets d’art exigent une connaissance minutieuse du département du Rhône.
Lucien Bégule se constitue au cours de ces excursions une documentation photographique fournie: il est un photographe averti, membre du Photo-Club de Lyon (1), et qui, par ses relations personnelles avec les Frères Lumière (2), se tient à la pointe du progrès en matière photographique, révélant ainsi une facette de sa personnalité ouverte à certains aspects de l’évolution des techniques.
Lucien Bégule appartient à un milieu matériellement et intellectuellement privilégié. Son entourage, respectueux des traditions, qu’elles soient artistiques ou religieuses, permet de cerner une personnalité essentiellement tournée vers le passé. Sa nomination en 1905 au poste de conservateur des antiquités et objets d’art du département du Rhône consacre cette inclination naturelle. Il déploie une débordante activité dans la défense du patrimoine artistique local.
(1). "Lucien Bégule " (s.n.), Le Salut Public, 2 février 1935.
(2). Communication orale de M.Lucien.-René Bégule, petit-fils de l’artiste, le 12 mai 1980.

Il sillonne le département de façon systématique dans le but de rédiger un inventaire complet de ses richesses artistiques (1) et avec l’ambition de voir son exemple suivi dans toute la France. Son adhésion en 1923 à la "Sauvegarde de l’art français " illustre cette préoccupation essentielle (cf. pièce justificative n°2)
C’est son mariage en 1874 qui le pousse à rentabiliser son goût pour l’art religieux et son penchant pour l’art médiéval: "il fallait songer à mettre le pied à l’étrier, sous peine d’encourir la disgrâce d’un beau-père (2) artisan de sa fortune qui entendait bien et avec raison que son gendre suivit son exemple " (3).


B. Sa formation.


B1). Ateliers Bossan.
"Bossan avait à Lyon son cabinet d’architecture sur le quai Rambaud, non loin de l’arsenal (...). C’est là que j’ai passé les mois les plus heureux de mes débuts artistiques dans un milieu de travail et d’enthousiasme. Mais obligé de chercher pour sa santé un climat plus tempéré, il s’était retiré (...). Désireux de profiter plus amplement des conseils et de la direction d’un maître qui excellait comme éducateur et que je savais apprécier, je lui demandai la faveur d’aller passer quelque temps auprès de lui à Valence où il se consacrait exclusivement aux études de Fourvière et de la Louvesc " (4).
(1). Cet inventaire aboutit à la publication des Antiquités et richesses d’art du département du Rhône, Lyon, Rey, 1925.
(2). François Bonnet, teinturier.
(3). Souvenirs, p.43.
(4). Lucien BEGULE, L’architecture religieuse à notre époque, notes et souvenirs Lyon, Rey, 1941, pp.l5—l6. Cette brochure est en fait exclusivement consacrée à Pierre Bossan.

C’est dans un atelier d’architecte que Lucien Bégule fait ses débuts artistiques et ce passage particulièrement bref (quelques mois probablement) marque profondément l’élève. Il voit en Pierre Bossan le créateur original d’un style nouveau associant des éléments issus de styles antérieurs divers et garde pour ce maître une admiration sans limite comme le prouve les diverses études qu’il lui consacre (1).

B2). Ateliers Chatigny.
Lucien Bégule rentre en 1870 dans l’atelier de Jean-Baptiste Chatigny dont il suit les cours de dessin jusqu’en 1873.
Jean-Baptiste Chatigny (1834.-1886), élève de l’école des Beaux-Arts de Lyon puis de Paris) complète sa formation par de fréquents voyages en Italie et se fixe à Lyon en 1862. Il est un peintre, un décorateur mural, un dessinateur auteur d’études destinées à des vitraux et un sculpteur. Il crée à Lyon un atelier de dessin où il dispense un enseignement classique (basé sur l’étude des maîtres de la Renaissance.) C’est dans son atelier que Lucien Bégule rencontre le sculpteur Charles Dufraine avec lequel Chatigny est lié d’une étroite amitié et auquel Lucien Bégule consacre en 1902 un ouvrage.

B3). Ateliers Miciol.
Lucien Bégule s'initie à la peinture sur verre dans l’atelier de Pierre Miciol, beau-frère de Jean-Baptiste Chatigny, de 1872 à 1876.
Elève des écoles des Beaux-Arts de Lyon puis de Paris en gravure, Pierre Miciol obtient le second prix de Rome en 1858 et le premier prix de l’Académie en 1860. Après un séjour à la villa Médicis, il se fixe à Lyon et fonde un atelier de peinture sur verre 9 rue Jarente, en 1866.
(1). Lucien Bégule aurait souhaité être l’auteur d’une monographie de la basilique de la Louvesc (A.M.L., 9.II.16 : conférence et documentation iconographique sur la Louvesc

Il fournit en 1867 l’ensemble des vitraux de la chapelle de l’Institution Saint-Joseph et s’associe avec Lucien Bégule en 1872. Ils remportent une médaille d’argent à l’exposition universelle de Lyon de 1872 et exécutent le vitrail de la chapelle des fonts baptismaux de l’église Notre-Dame des Marais à Villefranche-sur-Saône en 1874 (cf. photo.p.23 bis).
Les ateliers Miciol fournissent entre 1872 et 1878 les vitraux des collatéraux de Saint-Denis de Croix-Rousse, en 1874 le "Mariage de la Vierge " de l’église de Gleizé (Rhône) et en 1876 les vitraux de la chapelle des religieuses Notre-Dame de Fourvière. Ces ensembles pourraient éventuellement être le fruit de la collaboration de Pierre Miciol et de Lucien Bégule. (cf. photo p. 23 bis).
Les ateliers Miciol sont repris en 1879 par Joanny Paquier Sarrasin, autre élève de Jean-Baptiste Chatigny.

B4). Collaboration avec Razuret.
Lucien Bégule devient en 1877 et pour trois ans le collaborateur de Jacobé Razuret.
Jacobé Razuret (1829-1895), élève de Tony Desjardins et collaborateur de Pierre Bossan, est un décorateur d’églises (1). Spécialiste décor mural ornemental en végétations stylisées dans des compositions simples, le plus souvent symétriques et très poussées dans les détails, il décore en collaboration avec Lucien Bégule les chapelles de l’église de Saint-Cyr au Mont d’Or (Rhône), des Dominicains d’Oullins (Rhône), de l’église de Montrevel (Ain) et l’église provisoire de l’Annonciation à Lyon (cf. photo p.24. bis) . Cette collaboration fait naître chez Lucien Bégule une profonde admiration pour Jacobé Razuret:
(1). Il est le décorateur des églises d’Ars, Saint-Denis de la Croix-Rousse, de la chapelle de l’hôpital Saint-Joseph et de la chapelle Saint-Michel d’Ainay à Lyon.
"Si, par la suite, j’ai pu aisément composer les dispositions d’ensemble et les détails d’ornementation de toutes mes verrières, je le dois, en grande partie, à ma collaboration aux travaux de Razuret " (1). Dans les vitraux créés dans les ateliers Lucien Bégule par la suite, certains éléments des bordures (rinceaux, végétations stylisées) forment des motifs ornementaux semblables à ceux des décors muraux de Jacobé Razuret.


C. Son œuvre.

Lucien Bégule est un écrivain et un maître-verrier. A chacun des deux aspects de sa personnalité correspond une œuvre, l’œuvre de l’écrivain se situant chronologiquement après celle du verrier.

C1). L’œuvre du maître-verrier: 1881-1911.

C1.1 La restauration
Les ateliers Lucien Bégule produisent une œuvre de restauration et une œuvre de création.
Lucien Bégule restaurateur de vitraux intervient:
- à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Lyon où il remet en état successivement la grande rose de la façade occidentale en 1884, rose exécutée en 1394 par Henri de Nivelle et la rose du transept septentrional en 1887, rose qui date du XIII0 siècle;
- à l’église Saint-Nizier de Lyon où il remet en état successivement deux roses, celle du transept méridional en 1888, celle du transept septentrional en 1889;
- à l’église Notre-Dame des Marais de Villefranche-surSa6ne où il remet en état en 1886 le vitrail de sainte Anne, saint Pierre et saint Jacques qui date de la fin du XV~ siècle.
(1). Souvenirs, p.37.
Ces interventions donnent à Lucien Bégule l’occasion de mettre à l'épreuve ses connaissances historiques du vitrail et d’étudier de près la technique des verriers des XIII°, XIV° et XV° siècles. Il semble cependant que Lucien Bégule prenne parfois le parti de remplacer des pièces anciennes par des créations modernes ne respectant pas toujours l’œuvre primitive (la rose septentrionale de la cathédrale se voit attribuer un ange supplémentaire (1)) et commettant éventuellement des erreurs iconographiques (le groupe de sainte Anne trinitaire à Villefranche-sur-Saône est transformé en sainte Anne accompagnée de la Vierge et de Marie fille de Salomé (2))•
C1.2 La création
L’œuvre de création de Lucien Bégule maître-verrier est quantitativement importante. Les ateliers fournissent des vitraux à 92 édifices religieux, 14 édifices civils connus, dans l’état actuel des recherches. Il faut ajouter à cette production 2 œuvres religieuses de destination inconnue et 12 œuvres civiles sans destination précise, ainsi qu’un projet de vitraux civils non exécuté (cf. liste chronologique récapitulative, p.355).
La répartition géographique (cf. carte p.27) des vitraux créés par les ateliers marque une forte concentration sur Lyon (26 édifices), le département du Rhône (19 édifices) et les départements limitrophes de la Loire (14 édifices) (3), de l’Ain (4 édifices) et de la Saône Et-Loire (6 édifices) .
(1). Véronique Chaussé et Marc Pabois Vitrail, objectif Rhône-Alpes, Lyon, 1982, p 27.
(2). Véronique Chaussé et Marc Pabois. - "Les vitraux de Notre-Dame des Marais ", Bulletin de l’Académie de Villefranche, 1981-1982, pp.48-5O.
(3). Cette relative concentration dans la Loire est remarquable compte-tenu de l’existence des ateliers Mauvernay à Saint-Galmier.

Toutes les interventions en France se situent dans le quart sud-est, une exceptée (Porit-Scorf en Bretagne)(1). Les ateliers répondent à cinq commandes destinées à l’étranger: Rio de Janeiro, Le Caire, Nagasaki, Lausanne et xxxxxxxxx en (Suisse).
Plusieurs des commandes passées pour une destination extérieure à la région lyonnaise sont le fait de clients ou intermédiaires lyonnais : Monseigneur Marnas pour Nagasaki, l’abbé de Rochemure pour Rochemaure, Pierre Bossan pour la Louvesc, les Hospices Civils de Lyon pour Giens, Edouard Aynard pour Fontenay.
Chronologiquement, la production des ateliers ouverts de 1881 à 1911 se répartit de 1881 à 1905 (3). Le succès de la monographie de la cathédrale de Lyon et la réputation acquise par Lucien Bégule au sein du corps ecclésiastique lyonnais servent le lancement des ateliers dont "les premières années, difficiles cependant puisque tout était à créer, voient les travaux bientôt affluer " (2). Les années 1891 à 1898 marquent la plus forte intensité de production, l’année 1891 étant d’ailleurs l’année de la commande la plus importante passée aux ateliers (par les Religieuses de Saint-Vincent-de-Paul à Rio de Janeiro). L’année 1895, que Lucien Bégule choisit pour donner un aperçu de l’organisation et du personnel des ateliers, apparaît comme l’année optimale.
Aucune œuvre connue ne porte de date postérieure à 1905 si ce n’est les vitraux de style cistercien destinés à l’abbaye de Fontenay en 1911 (simple vitrerie à bornes). La loi de Séparation de 1905 met un terme définitif à une production déjà en nette diminution.
(1). Il aurait été intéressant d’obtenir des renseignements sur l’origine de cette commande isolée et nous regrettons que notre correspondance avec les autorités ecclésiastiques locales soit restée sans réponse.
(2?. Souvenirs, p.45.
(3). Cf. liste chronologique détaillée, pp. 355 & ss.

Par une bataille publicitaire en faveur du renouveau du vitrail civil (1) qu’il encourage déjà depuis 1890 (2), Lucien Bégule tente de pourvoir au fonctionnement d’ateliers primitivement fondés pour la fabrication de vitrail religieux et considérablement réduits depuis 1902.
La part des vitraux civils est quantitativement beaucoup moins importante que la part des vitraux religieux dans de l’œuvre. Le vitrail civil n’est pas la fonction première des ateliers destinés à des "travaux religieux principalement " (3). L’œuvre civile s’étale de 1883 à 1905 et culmine en 1895 corrélativement à la totalité de l’œuvre.
L’énoncé de l’œuvre créatrice doit être complétée par la mention d’une collaboration unique entre Lucien Bégule et Baron, verrier lyonnais. Ils signent ensemble un vitrail en l’église de Saint-Bonnet-le-Château (baie 6) consacré à saint Joseph : Lucien Bégule est ici le dessinateur d’un vitrail (4) exécuté par Baron. Cette collaboration pose un problème dans la mesure où elle n’est pas datée (cf. inventaire p. 253).
Il s’agit probablement de Pierre-Auguste Baron, né en 1803, qui a établi en 1843 un atelier <cf. p.11) de vitraux place Saint-Paul à Lyon. S’agirait-il d’une collaboration antérieure à l’installation des ateliers en 1881?
(1). C’est à cette date que Lucien Bégule publie Vitraux d’appartement, Lyon, 1904 et "Les vitraux ", Lyon en 1906, p. 23.
(2). Gaspard ANDRE, "Les vitraux et Lucien Bégule ", Lyon à l’Exposition Universelle de 1889, Lyon, Storck, 1890, p.28O: "A entendre M.Bégule, le vitrail laïque devrait être obligatoire (...) ".
(3). Souvenirs, p..44.
(4). C’est la fonction que choisira son fils, Emile Bégule (1880-1972) qui a dessiné pour de nombreux vitraux exécutés par la maison grenobloise Balmet principalement (baies des bas-c6tés en l’église Saint-Pothin par exemple).

C2). L’œuvre d’écrivain.
La "liste des ouvrages publiés par M.Lucien Bégule " (pièce justificative n°3, p. ) mentionne vingt titres, de 1879 à 1931. L’essentiel des publications inter vient après 1900 au moment où la production des ateliers se restreint. S’y ajoutent un article publié en collaboration avec Emile Bertaux au sujet d’un vitrail profane du XV° siècle (1), la participation à l’illustration de Lyon ville d’art (2) et les manuscrits de dix-sept conférences (3) données au sujet du vitrail, de la sculpture médiévale, des cathédrales françaises, de l’art religieux contemporain, de l’art en Savoie, de l’église de la Louvesc, de certains aspects de l’art italien ainsi que le manuscrit de ses mémoires.
Il s’agit d’une œuvre essentiellement descriptive où l’auteur, servi de connaissances historiques sûres, fait preuve de curiosité artistique et d’un sens de l’observation; c’est d’un homme cultivé et attentif plus que l’œuvre d’un chercheur.
(1). Lucien BEGULE et Emile BERTAUX, "Un vitrail profane du XV° siècle ", Gazette des Beaux-Arts, tome XXXVI, 1911, pp.407-.4l6 (il s’agit du vitrail de la Bessée de Villefranche-sur-Saône).
(2).Henri d’HENNEZEL, Lyon, ville d’art, Paris, Laurens,191 (3). Ces manuscrits sont conservés aux A.M.L. (9.11.8 à9.II.16)

D/ Fonctionnement des ateliers de Lucien Bégule.

"Je résolus de créer à Lyon un atelier de peinture sur verre, aussi parfaitement organisé que possible, exclusivement destiné à des travaux d’art, religieux principalement (...)" (1).

Mécanisme de la commande.

D1) Recrutement et sociologie de la clientèle.
La création des ateliers intervient en 1881, moins d’un an après la publication de la monographie de la cathédrale. Le détonateur du lancement des ateliers est la renommée acquise par Lucien Bégule à cette occasion dans les milieux ecclésiastiques aussi bien qu’auprès du grand public. La réputation de Lucien Bégule au sein du corps ecclésiastique local ainsi que ses relations personnelles vont servir les ateliers à la recherche d’une clientèle. Cette clientèle est constituée soit de conseils de fabrique paroissiaux soit de particuliers. Les conseils de fabrique, chargés de la construction ou de l’entretien des édifices paroissiaux regroupent des représentants de la municipalité, de la communauté paroissiale et du clergé. Ils accident, parfois avec la collaboration d’un architecte, des opérations à effectuer.
Les clients particuliers sont soit des donateurs intervenant par l’intermédiaire du conseil de fabrique soit des commanditaires privés passant un ordre, du domaine civil ou du domaine religieux.
Le choix du verrier peut donc être imposé par le curé de la paroisse ou le milieu ecclésiastique, par l’architecte de l’édifice ou par le donateur du vitrail.
(1). Souvenirs, p.44.

D2) Rôle du corps ecclésiastique :
C’est à ses relations personnelles avec certains curés de paroisses liées à l’influence de ces derniers sur les conseils de fabrique que Lucien Bégule doit les commandes des vitraux de Notre-Dame Saint-Vincent et du Bon Pasteur de Lyon et de ceux de Saint-Louis de Roanne (1).
Toute décision relative aux édifices diocésains quant à eux (basiliques ou cathédrales) émane de l’évêque lui-même, dont l’autorité s’exerce naturellement sur le clergé diocésain, ou, d’un proche collaborateur (architecte diocésain par exemple).
Lucien Bégule s’attache la bienveillance du corps ecclésiastique dont il n’ignore pas le rôle d’influence. Les ateliers sont bénis, dès leur ouverture, par le cardinal Caverot qui, le 1° avril 1882 (2), prend la peine de rendre visite à Lucien Bégule, de même que le cardinal Coullié bénira en 1895 l’imprimerie Vitte spécialisée dans l’édition de littérature religieuse locale et les locaux du journal "Le Nouvelliste " défenseur du catholicisme lyonnais (3). Il semble que ce soit Lucien Bégule lui-même qui ait sollicité cette visite sous le prétexte de soumettre au cardinal le projet du vitrail commémoratif du vœu de 1643 destiné à chapelle de Fourvière.
En 1886, Lucien Bégule décide d’offrir au chapitre de la cathédrale le vitrail commandé pour les fonts baptismaux (cf. pièce justificative n° 4 p.385). Il apprécie à leur juste valeur les satisfactions de Vaudremer et Révoil architectes~ diocésains chargés de la réception des travaux de restauration qu’il exécute à la cathédrale (4).
(1). Il s’agit des abbés Caudour, Durand et Chièze: Souvenirs, pp.44 47 et 50.
(2).E. de F:, 1882, p.155.
(3).B.H.D.L., 1895, tome 1, pp.69 et.103.
(4).. Souvenirs, pp.52-53. .

Les revues religieuses que sont l’écho de Fourvière et le Bulletin Historique du Diocèse de Lyon publié sous le patronage de l’évêque ne sont pas étrangères à la renommée qu'acquiert Lucien Bégule martre-verrier. L’ouverture des ateliers y est chaleureusement accueillie. Dès 1881, l’Echo de Fourvière prédit un grand succès aux ateliers nouvellement ouverts, saluant dans les premiers travaux un "encourageant début " (1), les plaçant immédiatement « au plan des célèbres ateliers de Paris, Metz, Chartres et Tours " (2) tout en négligeant de nombreux autres ateliers locaux.
Chargées de la transmission des idées comme de l’information évènementielle concernant les édifices, ces revues annoncent ponctuellement les poses récentes de vitraux et assurent aux ateliers une publicité attentive. La régularité et la bienveillance de leurs appréciations assurent à Lucien Bégule une réputation d’ "artiste chrétien " (3) aussi utile que fondée.

D3) Rôle de l’architecte :
La coïncidence des interventions de Lucien Bégule et de certains architectes sur un même chantier révèle l’influence de ces derniers sur les conseils de fabrique ou dans leur rôle de coordonnateur entre le commanditaire et les divers corps de métier.
Les œuvres de Lucien Bégule sont associées celles de Pierre Bossan, Charles Franchet, Charles Roux-Meulien.
C’est Pierre Bossan (1814-1888) qui confie à Lucien Bégule deux chantiers: les vitraux de la crypte de Fourvière, en 1885, alors que les vitraux de l’église haute, exécutés après la mort de Pierre Bossan et sous la direction de Sainte-Marie Perrin, ne lui sont pas confiés (4);
(1). E. de F., 1881, p.l77.
(2). idem.
(3). E. de F., 1884, Dp.3l8, 352, 391.
(4). Louis Challéat, notes manuscrites, 1982.

Les vitraux de la basilique de la Louvesc : Leur exécution lui est confiée en 1885 (1) et achevée en 1889 après la mort de Pierre Bossan.
Les commandes passées par l’intermédiaire de Pierre Bossan sont corrigées dans leur moindre détail par celui-ci avant d’être portées à exécution: Il exige que les maquettes lui soient soumises et les modifie de sa main quand il n'est pas lui-même l’auteur, comme c’est très probablement le cas pour les vitraux de la crypte de Fourvière (2).
C’est par l’intermédiaire de Pierre Bossan que l’architecte Charles Franchet (1838-1902) son disciple et son associé entre 1869 et 1872, entre en relations avec Lucien Bégule. Le style de Charles Franchet s’inspire, dans la plupart des cas, de celui de Bossan (3). Il participe par ailleurs au renouveau des styles antérieurs en construisant dans le style ogival (4) ou en restaurant en style-classique (5). Il est un élève de Jean-Baptiste Chatigny, un ami de Charles Dufraine et un collaborateur de l’orfèvre Thomas-Joseph Armand-Caillat.
Charles Franchet et Lucien Bégule collaborent: à l’église de Bessenay où l’architecte est chargé de l’exécution de plans dressés par Pierre Bossan; à l’église Notre-Dame Saint-Vincent de Lyon (6); à l’église du Sacré-cœur de Bourg-en-Bresse; à la chapelle des Dames du Sacré-cœur, rue Boissac à Lyon.
(1). Lucien BEGULE, L’architecture religieuse à notre époque 1941, p.18.
(2). Louis Challiat, notes manuscrites, 1982.
(3). C’est le cas de la chapelle du Sacré-cœur et le cas de la chapelle des Religieuses Marie-Thérèse à Lyon.
(4). C’est le cas du château de la Salle à Sénozan en Saône-et-Loire.
(5). C’est le cas de l’église Notre-Dame Saint-Vincent à Lyon.
(6). La campagne de vitraux de cette église s’effectue en deux temps: une première commande obtenue par l’intermédiaire du curé de la paroisse (Souvenirs, p.44); une seconde commande obtenue par l’architecte (Souvenirs, p.49).

Charles Roux-Meulien (1842-1918) est l’ ami " (1) qui procure à Lucien Bégule en 1895 l’importante commande du château du "xxxx" dont il est l’architecte. Leurs œuvres sont associées aussi en l’église paroissiale de Saint-Véran (Rhône) et dans le pavillon de chasse de Monchamp (Ain).
Cet architecte, disciple de Louvier, appartient au mouvement d’éclectisme de l’architecture lyonnaise de la fin du XIX° siècle. Il manie avec une égale aisance tous les styles (2). Ses œuvres sont une combinaison raffinée de l’architecture avec tous les arts décoratifs (ferronnerie, peinture murale, menuiserie, céramique, vitrail) répondant à un sens aigu du confort et à un souci décoratif poussé jusque dans les plus infimes détails.
Un membre du clergé ou un architecte peut jouer un rôle dans le choix du verrier. Mais il n’est qu’occasionnellement le client du verrier. Le client est soit l’ensemble du conseil de fabrique et l’on remarque alors que ses membres subissent l’influence de personnalités non concernées par l’aspect financier du problème soit un donateur particulier dont le rôle peut aussi être déterminant.

D4) Rôle du donateur :
Le cas des vitraux posés dans le courant de l’année 1889 en l’église de la Rédemption est à ce titre riche d’enseignement: trois chapelles sont vitrées en 1889; le premier vitrail posé est celui de la baie axiale (chapelle Notre-Dame de Pitié), œuvre de Magnin offerte par Frédéric Benott architecte de l’église; la chapelle de la Vierge reçoit deux vitraux de Georges-Claudius Lavergne, don d’une confrérie, et la chapelle du Sacré-cœur deux vitraux de Lucien Bégule (baies 9 et 11, p.121 ) offerts par la confrérie du Sacré-cœur. A trois donateurs différents correspondent trois verriers distincts.
(1). Souvenirs, p.64.
(2). Il utilise le style gothique au château du Crêt ou à l’église de Saint-Vérand, le style classique au groupe scolaire d’Amplepuis.

Le choix est imposé par le donateur. Par la suite, dans cette église, les donateurs se multipliant et se diversifiant (vitraux du chœur offerts par la famille Saint-Olive, vitraux de la chapelle Saint-Louis de Gonzague offerts par les familles Lyonnet, Chappet et Pommier, Audras et Catoire, vitraux de la chapelle Saint-Joseph offerts par la confrérie des Mères Chrétiennes), le choix reste définitivement fixé sur le même artisan jusqu’en 1904. La stabilité d’un choix dont la question a pourtant dû être soulevée à huit reprises sur une période de quinze années est alors le résultat du succès remporté par les premières œuvres de ce verrier dans l’édifice. La décision du donateur peut donc être lourde de conséquences.
La décision du donateur explique la juxtaposition, au sein du même édifice, d’œuvres issues d’ateliers voisins et contemporains: les maisons Bégule d’une part, Nicod et Jubin d’autre part interviennent à quelques années d’écart en l’église Notre Dame des Anges, Bégule en 1898 (baies 100, 101 et lO2, pp.182-3), Nicod et Jubin en 1901 et 1902 (baies des bas-côtés); Les maisons Bégule d’une part, Paulin-Campagne d’autre part, en 1900 dans l’église de l’Annonciation de Vaise, Bégule dans l’abside (baies 0, 1, 2, 3 et 4,pp.) et Paulin-Campagne dans les bas-côtés (1). Les exemples sont multiples (2). Le choix du donateur s’oriente alors en fonction de la notoriété de l’artisan ou de leur appartenance commune à un même groupe social.

D5) Relations personnelles :
Les relations familiales sont une source naturelle de commandes: C'est par l’intermédiaire de Dominique Meynis (3) que Lucien Bégule obtient la commande du "Vœu des échevins " en 1882 (ancienne chapelle de Fourvière, baie 8, p. 133) et par Henri Lagrange (1) celle d’un plafond lumineux à la Préfecture du Rhône (p.316 ) en 1895.
(1). "L’église de l’Annonciation " (s.n.), La Construction Lyonnaise, année 1900, p.29.
(2). On pourrait citer encore les églises de Boën, Bessenay, Saint-Nizier où les œuvres de Lucien Bégule sont juxtaposées à celles de Lorin ou Lavergne à quelques années d’écart.
(3). Souvenirs, p.48.

La personnalité de Lucien Bégule, ses qualités chrétiennes, le milieu auquel il appartient et les relations de son entourage servent ses ateliers.

E) Les prix :
Le programme défini doit être conforme aux possibilités financières du client, même si Lucien Bégule manifeste parfois une volonté d'adopter son tarif à une clientèle nécessiteuse (cf. pièce justificative n°5 p.387 ).
Le coût d’un vitrail, civil ou religieux, est fonction du travail qu’il exige dans la découpe des verres, le tracé des plombs et la peinture.
Dans le domaine religieux, le prix d’un vitrail est de:
• 190 frs. le mètre carré (en 1896) pour un vitrail relativement simple "une grande figure sur fond de grisaille (cf. pièce justificative n°5), soit 2 105 frs. de 1982 (2).
Ce tarif porte les deux lancettes (Saint-bernard, baie 5, 11.4,00 m - L.2,00 o, p.179 ) à 1200 frs. soit 13 300 frs. de 1982 (3);
• 250 frs. le mètre carré (en 1896) pour un vitrail "archéologique composé de médaillons XIII° siècle " (cf. pièce justificative n°5), soit 2770 frs. de 1982 (2). Ce tarif porte à 2100 frs. la grande lancette de l’abside de Saint-Maurice de Vienne (baie 2 par exemple, H.7,00 m - L.1,00 m, P~213 ) (4), soit 23 270 frs. de 1982;
• 310 frs. le mètre carré (en 1890) pour un vitrail présentant une scène à multiples personnages dans un décor architectural (cf. pièce justificative n°6) soit 3 434 frs. de 1982 (2). Ce tarif porte à 1 500 frs. une baie de la chapelle de la Charité (baie 1 par exemple, H.3,45 m - L. 1,.40 m, p.192) soit 17 620 frs. de 1982.
(1). Souvenirs, p.64.
(2). Calcul effectué avec le coefficient de transformation fourni par l’INSEE.
(3). Archives de la paroisse Saint-bernard: facture du 22 mars 1893 (4). Souvenirs, p.57.

Ce tarif particulièrement élevé s’explique en partie par la collaboration avec un peintre étranger aux ateliers que le programme demandait;
• 200 frs. le mètre carré (en 1885) pour un vitrail présentant une scène à plusieurs personnages dans une composition d’ensemble plus simple et sur un soubassement ornemental (cf. pièce justificative n° 7) soit 2 216 frs. De 1982 (1). Ce tarif porte à 1600 frs. une baie de l’église de Rochemaure (chapelle de la Vierge, baie 193, H.3,20m - L.2,50 m, p. 289) soit 17 728 frs. de 1982.
Dans ces conditions, le coût du vitrail religieux, fonction du travail et du temps que sa confection exige, représente une somme importante entre 1885 et 1896. Il faut souligner qu’il n’est pas aussi élevé lors de l’ouverture des ateliers puisque Lucien Bégule a rapidement "la satisfaction de pouvoir choisir les clients en élevant les prix " (2). Selon ces tarifs, une mosaïque décorative à la grisaille dont le motif répétitif peut être exécuté au pochoir apparaît comme une solution alors que la composition originale longuement élaborée avec l’intervention d’un autre artiste apparaît comme une solution luxueuse. A titre d’exemple, Lucien Bégule évalue à 20 000 frs. (3) la vitrerie complète de l’église de Privas (1885) qui comprend 48 baies dont 3 lancettes à scènes, 8 lancettes à figures en pied sur fond de grisaille, .4 lancettes à médaillons incluant des scènes à figures, 2 roses à figures, 19 roses décoratives et 12 lancettes décoratives. Cette somme représente un treizième du coût total de la construction de l’église (275 407 frs.) (4) et trois fois le prix des orgues fournies par la maison Merklin de Lyon (6 500 frs.) (5) (6).
(1).Calcul effectué avec le coefficient de transformation fourni par l’INSEE.
(2). Souvenirs, p.45.
(3). Souvenirs, p.53.
(4). Paroisse de PRIVAS1 Essai d’histoire religieuse contemporaine, Largentière, A.Jay, 1914, p.201.
(5). E.G.POILLON, Les églises et la communauté paroissiale de Privas, Privas, Voile, 1974, p.93.
(6). Ces sommes correspondent respectivement à 221 600, 3 050 509,et 72 020 frs. de 1982 d’après le barème de l’INSEE.

Dans le domaine civil, le prix d’un vitrail est de (cf. pièce justificative n° 8):
* 15 à 30 frs. le mètre carré pour un tracé simple (en 1904) soit 160 à 320 frs. de 1982 (1). Il s’agit d’un tracé de plomb seul sans aucune peinture;
• 30 à 45 frs. le mètre carré pour un tracé avec motifs ornementaux peints (en 1904) soit 320 à 480 frs. de 1982 (1);
• 60 à 80 frs. le mètre carré pour un panneau en cives (en 1904) soit 640 à 853 frs. de 1982 (1);
• 45 à 100 frs. le mètre carré pour un panneau à sujets, végétations ou figures allégoriques (en 1904) soit 480 à 1066 frs. de 1982 (1);
• 180 à 300 frs. le mètre carré pour les figures décoratives et les compositions spéciales (exigeant l’intervention d’un artiste extérieur) en 1904 soit 1920 à 3200 frs. de 1982 (1).

Lucien Bégule précise que les travaux en verres antiques ou américains comportent une augmentation. Certaines bordures décoratives sont tarifées au mètre linéaire, variant de 45 frs. le mètre (en 1904) pour une bordure peinte (Le Crgt, baie D, p. 338 ) soit 480 frs. de 1982 (2) 60 frs. le mètre (en 1904) pour une bordure découpée (Le Crêt, baie C, p. 338 ) soit 640 frs. de 1982 (2).
Le prix demandé par Lucien Bégule est de
- 5 500 frs. pour le plafond lumineux de la Préfecture (l.4,40 m - L.12,30 m, p. 316 ) en 1895;
- 100 frs. pour le médaillon du vitrail du 23 cours de la Liberté (H: 3,30 m - L.2,00 m, p. 322 ) auxquels il faut ajouter 60 frs. au mètre carré pour le fond, en 1898;
(i). Calcul effectué avec le coefficient de transformation fourni par l’INSEE.
(2). Ces sommes sont communiquées par l’exemplaire annoté de Lucien BEGULE, Vitraux d’appartement, 1904, p.9.

- 1 200 frs. pour le vitrail représentant Louise Labbé (H.2,27 m - L.1,13 s, p. 325 ) en 1900 (1).
Le coût élevé du vitrail, civil ou religieux, sélectionne (2) une clientèle matériellement privilégiée selon la volonté de Lucien Bégule qui peut "ainsi consacrer plus de soins et plus de recherches aux œuvres qui lui sont confiées " (3).

F) Sociologie de la clientèle :
Les familles donatrices de vitraux dans les églises lyonnaises sont les familles Juron (Bon Pasteur), Chappet et Audras (La Rédemption), Falcon de Longevialle et de Jerphanion (Saint-Michel d’Ainay), Saint-Olive (La Rédemption). Toutes évoquent des dynasties d’une grande assise sociale à Lyon.
Les confréries jouent aussi un rôle essentiel dans le financement des vitraux :
- confrérie du Saint-Rosaire (Bon Pasteur)
- confrérie du Saint-Sacrement (Poligny)
- confréries du Sacré-cœur et des Mères Chrétiennes (La Rédemption)
- confrérie Saint-Joseph (Privas).

La liste des commanditaires de vitraux civils ou religieux à destination privée présente une homogénéité sociale évidente. Il s’agit de : Eugène Loison, professeur à la Faculté de Médecine de Lyon (cf. annexe, p. 354); Louis Perrot dont le père est un physicien et céramiste suisse éminent (Chambéry, p. 349 );
(1). Ces sommes sont communiquées par l’exemplaire annoté de Lucien BEGULE, Vitraux d’appartement, 1904, pp.12, 11 et 6. Elles correspondent à 58 600 frs. de 1982 pour la Préfecture, 12 800 pour Louise Labbé et 1070 pour le médaillon du 23 cours de la Liberté.
(2). Une étude comparative des prix d'autres ateliers contemporains serait intéressante: ateliers Mauvernay, objet d’un mémoire de maitrise préparée par Melle Maryse Dalzotto ou ateliers Gesta de Toulouse , objet d’une thèse de 3° cycle en cours préparée par Melle Nelly Desseaux.
(3). Souvenirs, p.45.

La famille Rinck, propriétaire de la brasserie du même nom (p. 327 );
Cyrille Cottin, gérant de l’une des plus importantes maisons de soierie lyonnaise de la fin du XIX° siècle (cf. annexe, p. 354);
Jean et Auguste Villy, riches industriels de la région Lyonnaise (p. 334 );
Joseph Gillet, inventeur en 1903 de la soie artificielle et fondateur d’un vaste empire industriel
Monsieur Verne, professeur à la Faculté de Pharmacie de Grenoble ( "Les Meules ", p.342);
Jean Coignet, industriel, sénateur et vice-président de la Chambre de Commerce de Lyon (p.330);
Edouard Aynard, député du Rhône, régent de la Banque de France et président de la Chambre de Commerce de Lyon (Fontenay, cf. annexe, p.35);
Jules Garcin, détenteur d’une importante fortune acquise au jeu de poker (Monchamp, p. 346);
les familles du Sordet (Saint-Igny-deVers p. 241 ) et Palluat de Besset (Balbigny, p. 266 ).
Tout ce que la région lyonnaise compte de réussites sociales et financières a recours aux ateliers Lucien Bégule.
Ces personnalités bénéficient, pour la plupart, d’imposantes fortunes. Elles en investissent une partie dans l’installation de leurs demeures privées en restaurant ou construisant de vastes ensembles architecturaux: Cyrille Cottin et les frères Villy édifient les châteaux "du Vivier " à Ecully et du "Crêt " à Amplepuis; Edouard Aynard restaure l’abbaye de Fontenay; Louis Coste aménage la propriété des "Brosses " à Caluire; Joseph Gillet rachète le château de Bully et Jules Garcin s’isole dans le pavillon de chasse qu’il fait construire au sein d’un important domaine.
La clientèle des ateliers Lucien Bégule est une clientèle aisée guidée par une simple dévotion religieuse ou par une recherche décoratif.
Le prix du vitrail variant en fonction de son style influe sur la définition du programme.

2). Elaboration du programme.
Les proportions de la commande varient de la baie isolée à la vitrerie complète d’un édifice (1). Dans tous les cas, son exécution doit répondre à un programme fixé à l’avance entre le commanditaire et le verrier. Le programme doit, en respectant ses possibilités financières, adapter les exigences formelles et iconographiques de la clientèle aux conditions posées par les baies.

Les exigences de la clientèle :
Il est des cas extrêmes où Lucien Bégule ne fait qu’exécuter un programme dicté par un commanditaire résolu, évêque ou architecte: le programme du vitrail des fonts baptismaux de la cathédrale est imposé par le cardinal Caverot (2), celui de la crypte de Fourvière par Pierre Bossan et celui du "Crêt " par l’architecte Roux-Meulien (3).
Dans la plupart des cas cependant, Lucien Bégule met en forme un souhait émis par le donateur qui inspire au vitrail son iconographie, en fonction de lui-même ou de celui en souvenir de qui il l’offre: le vitrail de Jeanne d’Arc à la Rédemption (baie 14, p.1?2 ) est offert en souvenir d’une personne portant le prénom de la sainte; le souvenir de Gabrielle Richard-Meynis que perpétue la famille donatrice du vitrail de Saint-Just d’Avray (baie 15, p.237 ) détermine son choix pour l’archange Gabriel; la seule représentation connue dans l’œuvre de Lucien Bégule de saint Florentin est due au don, par Florentin Crouzet, d’un vitrail en l’église de Privas (baie 13, p. 285) et il en est de même pour saint Florian (Privas, baie 14, p.286 ) offert par Florian Valentin
(1). Il en est ainsi pour les églises de Privas (48 baies), la Tour de Salvagny (13 baies), la Louvesc (15 baies), la Charité (32 baies), Saint-Vérand (21 baies), Bas-en-Basset • (17 baies), Neuville-les-Dames (15 baies) et pour de nombreuses chapelles où la vitrerie est moins vaste.
(2). Souvenirs, p.54.
(3). Souvenirs, p-64.

Le cas extrême est celui de l’abside de la chapelle de la Salle où le commanditaire prend l’effigie de son saint patron (Balhivny, baie 2, p.263) Les congrégations religieuses excellent en ce domaine:
"les différents ordres adorant le Saint-Sacrement " (Poligny, baie 5, p. 308) sont le don d’une confrérie du même nom; les scènes de la vie de saint Joseph (Privas, baie 6, p.285 ) le don des religieuses Saint-Joseph et les vitraux du Sacré-cœur (La Rédemption, Baies 9 et 11, p. 171 ) celui de la confrérie du même nom.
Le donateur impose éventuellement l'apparition de son nom (1), précédé ou non des mentions explicites "don de " ou "offert par ", parfois réduit à un simple monogramme (2), ou évoqué par les armoiries de sa famille (3). Lucien Bégule apprécie le rôle décoratif des motifs héraldiques et a tendance à inciter le donateur dans cette voie (4), ce qui explique la fréquence des apparitions des écus armoriés du Pape Léon XIII (5) ou celles plus rares des évêques lyonnais contemporains.
Il est aussi des cas où le commanditaire attend les propositions de Lucien Bégule. Le programme iconographique émane alors d’une idée personnelle de sa part: c’est le cas de la vitrerie de Boën (1) pour laquelle les suggestions viennent essentiellement du maître-verrier;
(1). Le Bon Pasteur, baie 9; Aix-les-Bains, baies 2,3, 4; Mornand, baies 0 et 1; Saint-Vérand, baies 3,4,5,7, 12; Liergues, baies 4,8, 9; Poligny, baie 5; Malaucène, baie 106; Bessenay, baie 108, Boen, baies 1,2,101; Saint-Etienne, baie 101; Privas, baies 0,6,8, 13,14; La Rédemption, baies 4,6, 8.
(2). Boen, baies 5 et 6.
(3). Ainay, baie 5 (armoiries des familles des Garets, de Longevialle, de Jerphanion); La Rédemption, baies 15 et 17 (armoiries de la famille Saint-Olive); Saint-Igny-de-Vers, baies 101 et 102 (armoiries de la famille du Sordet). (4). Archives paroissiales de Rochemaure: correspondance non datée.
(5). Armoiries du Pape Léon XIII: Vienne, baie 5; Annonciation, baie 0; cathédrale Saint-Jean, baie 35; Rives, baie 1; Liergues, baie 8; Hôpital de la Croix-Rousse, baie 104. Armoiries du cardinal Caverot: cathédrale Saint-Jean, baie 35. Armoiries du cardinal Coullié: Annonciation, baie 4; SaintPaul, baie 119.

C’est aussi le cas des vitraux de Rochemaure (baies 103 et 104) exécutées selon les propositions iconographiques du seul verrier (2).

G) Les conditions posées par l’édifice :
Lucien Bégule élabore le programme en donnant au sujet choisi par le commanditaire une forme et en créant la composition d’ensemble de la baie, bordure (3) comprise.
La forme et les dimensions de la baie, ainsi que l’absence ou la présence de meneaux (et dans ce cas leur largeur) qui pourraient rompre l’unité de la composition, en fixent les limites. Le programme mis au point pour une baie est ensuite étendu à toute la vitrerie de l’édifice ou d’une partie de l’édifice (abside, bas-côtés, transept, nef) :seul le motif central, illustration de l’épisode (La Louvesc, baies 101 à 112, pp. 278 à 281)ou personnification du saint (Saint-Irénée, baies 12 à 19, pp.140—142) varie de baie en baie.
L’architecture de l’édifice détermine le programme formel de ses vitraux. A chaque style architectural correspond un type de vitrail :
- roman (ou la partie romane de l'édifice) ou néo-roman commande le vitrail archéologique à "médaillons légendaires superposés s’enlevant sur des fonds de mosaïque, dans le style scrupuleusement archaïque du XIII° siècle " (1):
(1). Archives paroissiales de Boën: correspondance du 12 octobre 1884 : pièce justificative n°9.
(2). Archives paroissiales de Rochemaure: correspondance du 14 mars 1885 : pièce justificative n°10.
(3). Le terme de bordure est employé au .sens de "surface servant d’encadrement , complet ou partiel, à la représentation d’une verrière historiée ou à une verrière décorative le long de l’embrasement de la baie ou des éléments de son remplage; cette surface est ornée de motifs décoratifs, géométriques, héraldiques, et peut inclure d’autres représentations figuratives " (Nicole BLONDEL et Françoise PERROT, Projet d’un vocabulaire technique du vitrail, Ministère de la Culture, 1983, p.74).

Bon Pasteur, baies 5 à 16, p. 156 ), Anse (baies O à 4, P-217 ), Saint-Maurice de Vienne (baies 0 à 4, pp.2l2 214 ), Paray-le-Monial -(cf. annexe, p353 ). Nous verrons que ces réalisations sont en réalité une interprétation des vitraux de la première moitié du XIII° siècle (cf. P-108 ). L’église néo-romane du Bon Pasteur adoptent l’ordonnance en vigueur au XIII° siècle des vitraux à petits sujets dans les fenêtres basses et grands personnages dans les fenêtres hautes (baies 101 à 112) suivant l’exemple de la cathédrale de Chartres.
La composition en médaillons conduit, pour certains édifices néo-romans à un autre type de vitrail: quelques médaillons très écartés les uns des autres se distinguent d’autres médaillons ornementaux (Privas, baies 5 à 8, p .284 ) ou se détachent d’un fond en grisaille (SaintJust d’Avray, baies 7 à 14, pp235-7 ). Le rapport de la partie historiée et de la partie décorative n’est plus le même. L’introduction de la perspective, la souplesse de mouvement des personnages et le réalisme poussé du modelé donnent du médaillon médiéval une version lointaine. La composition générale de la verrière est alors un dérivé éloigné du système du XIII° siècle. Lucien Bégule réserve ce type de vitrail aux églises néo-romanes (Saint-Christophe-en-Brionnais, Saint-Just d’Avray absidioles et transept de Boën, abside et transept de Privas) et au chevet de certaines églises néo-gothiques (abside de Mornand, absidioles de la Rédemption, déambulatoire de Notre Dame des Anges, abside de Saint-Vérand) faisant ainsi allusion aux chevets romans de certains édifices gothiques. Ce système apporte une solution à trame allongement de certaines lancettes. Il est aussi une solution d’économie dans la mesure où le travail de peinture originale réservée aux seuls médaillons est minime.
(1). Souvenirs, p-57.

le personnage en pied sous dais architectural, type de vitrail de l’époque médiévale, inspire Lucien Bégule dans un grand nombre d’édifices. Il est la source formelle de toute une typologie du vitrail qu’il ne réserve pas, comme au XIII° siècle, aux seules fenêtres hautes.
Les églises gothiques présentent le saint sous un dais architectural de même style, parfois très ouvragé (Sury le-Comtal, baies 0, 1, 2 et 4, pp.260-61~ Le saint peut faire place à une scène à plusieurs personnages et chaque lancette prend la forme d’une niche profonde et ajourée (Saint-Igny-de-Vers, baies 101 et 102,pp.242 )rappelant les vitraux du XV° siècle.
La juxtaposition des lancettes permet une nouvelle organisation de l’espace en une scène continue sous les dais architecturaux, selon un système apparu au XV° siècle (Ambierle, baie axiale): Ce sont les cas des vitraux de Feurs (baies 9 et 10, p.265) et Liergues (baies 4, 5, 8 et 9, pp.224_5): le dais architectural ne s’étale cependant pas d’une baie à l’autre, à la différence du vitrail du XV° siècle.
Lucien Bégule résout le problème de l’élancement de certaines baies par la composition d’un soubassement historié sous un dais architectural secondaire (Ainay, baie 5, p.145 ); il résout celui de l’ampleur de certaines baies par la mise en place d’un système architectural fictif divisant la baie sans s’assujettir la composition d’ensemble qui reste continue (Poligny, baie 5, p.308. La disposition d’une scène à mi-hauteur de baie sur un fond de grisaille est une solution à la fois au budget limité et à la recherche d’un meilleur éclairage de l’édifice (Le Lémenc, baies 100 à 104, pp. 291 -292)
Lucien Bégule adapte ce type de vitrail à des édifices néo-gothiques et l’étend à des édifices d’un autre style. Les dais architecturaux en s’ouvrageant s'éloignent du style gothique de l’édifice et comportent éventuellement un soubassement historié (Rives, baies O à 4, pp.275-276) Les reconstructions successives de Saint-Irénée respectent l’architecture des premières basiliques chrétiennes: ses vitraux placent les saints en pied sous des dais architecturaux de même inspiration. (baies 12 à 19, pp. 140 s 142 ). Les vitraux de la chapelle de la Salle, pastiche d’un édifice de l’époque Renaissance, présentent les saints sous de riches dais en accord avec l’architecture (baies 0 à 2,
Le programme des édifices néo-gothiques respecte aussi une organisation de l'espace en compartiments que des structures architecturales délimitent, selon un principe en vigueur à la fin du Moyen-age. Deux registres d'importance égale se superposent, qu’il s’agisse de deux personnages en pied sous dais gothiques (Boën, baies O à4, pp. 256_257) rappelant l’ordonnance des fenêtres hautes du chœur de Reims (XIII° siècle) ou qu’il s’agisse de deux scènes historiées sous dais gothiques (La Rédemption, baies 9 à 18, pp. 171-174) rappelant l’ordonnance des vitraux de la chapelle du Saint-sang de Bourges (XIV° siècle).
Les baies cintrées aux larges proportions déterminent Lucien Bégule dans le choix de vitraux de style Renaissance (Malaucène, baies 100 à 106, pp.310-311; Notre-dame de Saint-Étienne, baie 7, p.249). Une scène à multiples personnages se déploie sous un riche décor architectural et ornemental à la fois, d’influence italienne. Ce type de vitrail rappelle le vitrail du XVI° siècle (Paris, église Saint-Gervais, "Annonciation ").
L’édifice de style classique dicte à Lucien Bégule le même type de vitrail qu’il adapte en en simplifiant la bordure architecturale (La Charité, baies 1 à 10, pp.188 à 197)
La part de l’ornement fortement sensible fortement sensible dans les baies de Saint-Irénée se substitue intégralement à la bordure architecturale dans certains édifices de construction contemporaine. Le programme conserve l’agencement d’origine architecturale (soubassement, colonnes, dais) mais une ornementation de rinceaux, d’inspiration végétale, compose totalement la bordure. Ce type de vitrail peut couvrir plusieurs lancettes, deux à SaintBernard (baie 3), trois à Bessenay (baie 104) en une scène continue. La ramification des rinceaux comble la hauteur démesurée de certaines lancettes et ouvre la bordure à un large éventail de formules décoratives.
La bordure décorative en rinceaux d’inspiration végétale a son origine formelle dans les vitraux du XIII° siècle. La place que Lucien Bégule lui confère et le soin porté à son traitement et à sa coloration en font un élément spécifique de son œuvre.
Une déformation de ce type de vitrail conduit à la formule optée pour la basilique de la Louvesc où une scène historiée occupe la place centrale. Le vitrail prend un parti décoratif déterminé par l’architecture de Bossan dans laquelle l’ornementation joue un grand rôle (La Louvesc, baies 101 à 112).
La différenciation des solutions formelles programmées par Lucien Bégule est large. Ces solutions ont leur origine plus ou moins lointaine dans le vitrail ancien dont elles sont un pastiche, une déformation ou une adaptation. Elles révèlent les sources d’inspiration du verrier et sa part de créativité. La prise en considération du style architectural de l’édifice dans l’élaboration du programme vitré révèle un souci d’harmonisation du décor à l’architecture et une conception du vitrail comme élément d’unification de l’ensemble.

B. Organisation des ateliers.
B1). Les locaux.
Les ateliers, conçus sur les données de Lucien Bégule et exécutés sur les plans de son ami architecte Auguste Monvenoux, sont édifiés en 1881 sur la propriété que possède la famille Bégule montée de Choulans. Il s’agit d’une "construction nouvelle dont les lignes pittoresques rappellent les fabriques florentines d’un ensemble établi avec une entente remarquable des exigences de la profession " (1).(2).
Gaspard André donne de la répartition interne de ces locaux une description détaillée (3) : "Près de la place de Trion, se trouve l’atelier de notre peintre. Situé à merveille pour échapper à nos brouillards, il est bien orienté et s’ouvre sur une belle vue du Rhône et des plaines dauphinoises (...). Le visiteur est introduit directement dans la pièce centrale encombrée de livres et de recueils, d’estampes où l’artiste compose près de ses enfants et de ses ouvriers. Les ateliers sont situés à droite et à gauche de cette pièce centrale où tout le travail se prépare: d’un côté la mise en plomb, de l’autre côté la peinture sur verre; au sous-sol les dépôts, les fours et la photographie. L’atelier de peinture forme comme un vaste balcon sur une haute pièce dont toute une paroi est vitrée. C’est la salle d'exposition des vitraux et c’est sur cette paroi que le soleil transperce au matin et abandonne le soir, que toutes les verrières sont successivement fixées pour juger de leur effet aux diverses heures du jour (...). L’artiste revoit et retouche alors son œuvre jusqu'à ce qu’il en soit satisfait et c’est là qu’avant sa mise en place, le public peut la voir et la juger ".
(1). Un atelier de peinture sur (s.n.), E. de F., 1881, p.377.
(2). Il n'y a plus aucune trace aujourd'hui de ces bâtiments.
Si, les bâtiments réaménagés en habitation sont toujours présent. note de Th. W. 2005
(3). Gaspard ANDRE, Les vitraux et Lucien Bégule ", Lyon à l’exposition Universelle de 1889, Lyon, Storck, 1890,pp.271-272

L’agencement logique de ces divers ateliers permet la compréhension des étapes successives nécessaires à la fabrication d’un vitrail dans les ateliers Lucien Bégule.


2). Les différentes étapes de fabrication. Les différentes étapes de fabrication peuvent être reconstituées dans le schéma ci-joint qui met en évidence le rôle de chacun des membres du personnel des ateliers Lucien Bégule et la destination précise des ateliers successifs.

 

 

 

 

 

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